Jeudi dernier, j’ai pris le dur jusqu’à Sainté pour l’événement organisé par le coq sportif et l’ASSE afin d’célébrer les 40 piges d’la mythique épopée des Verts. Pour pas m’ruiner, c’est à 6h15 du matin, les lampions un chouïa ouverts et le cœur en joie, que j’quittais Paname pour rejoindre mes potes JOZ. Les gaziers étaient invités par le coq à passer la journaille avec Laurent Paganelli. Voici le CR d’cette grandiose sainte journée où on a découvert les nouvelles tenues des petits verts pour la saison prochaine, écouté de belles anecdotes des dégarnis de 76, bu jusqu’à plus soif et terminé à danser torse poil en boite avec Yannick Noah.
9h30, après 3 heures de train à me mettre dans l’bain avec un paquet de journaux et de bouquins sortis à cette occaz’, me voilà à Sainté. Si l’temps n’est pas au rendez-vous en me crachant sur la caboche de grands postillons, ma motivation, elle, monte au fur et à mesure que j’pense à la journée qui m’attend. Arrivé bien en avance j’ai le temps d’faire mon petit viron dans l’centre en espérant retrouver l’esprit d’un certain 12 mai 1976. Une ville où tout était totalement vert, la déco sur les vitrines des bouclards, les drapeaux sur les tramways, les banderoles et les fanions dans la grand’ rue… Malheureusement rien de tout ça ! Il n’y a que la place Jean Jaurès qui a des allures de fête et c’est bien dommage. En attendant l’arrivée des JOZ, je rejoins mon pote Roro calé derrière le zinc du Café Saint Jacques. Il me sert un petit noir, on fume une tige, je reprends un petit noir et je finis à l’étage entrain d’pousser un tas d’charbon.
Il est midi quand je retrouve mes petits JOZ, et je suis bien rassuré d’voir à leur gueule et à leur sourire en coin, qu’eux non plus n’ont pas posé un RTT pour arroser les fleurs du parc de l’Europe. Dans la bande, y’a Maxence, qui a la tête d’un chanteur des années 80, les bras d’un rugbyman et les jambes d’une patineuse artistique. Il a constamment les doigts salés. Y’a Guillaume, qui fait ses vêtements tout seul et qui a la coupe de Muriel Robin. Y’a aussi Ben, le photographe. Il est super cool et imite super bien Laurent Gerra. Et enfin, y’a Mathou, qui porte un t-shirt de Nirvana et un bas de Kimono, et qui ne se déplace plus qu’en pas chassés depuis un malheureux accident de poutre. J’vais passer une sacrée journée que j’me dis. Parce qu’une journée avec les JOZ et Paga, ça vaut bien tous les meilleurs kebabs du monde !
Direction la Gare de Châteaucreux où nous devons retrouver Paga à 13h. A peine l’temps d’siffler la première binouze que l’petit Mozart, comme on l’appelait dans l’temps, montre enfin l’bout d’son blaze. Quand il arrive, j’ai le cœur qui s’emballe, comme lors d’un premier rendez-vous amoureux. Je me suis fait beau, je sens bon et, pour la première fois depuis plusieurs mois, j’ai des vêtements propres. Il arrive en faisant l’con. C’est bien parti que j’me dis. Avec son bronzage de moniteur ESF et sa banane jusqu’aux loches, Paga semble avoir bouffé un tube de bicarbonate de sodium dans une cabine UV. Il nous accompagne à la mousse et nous explique qu’il revient d’une semaine à Mayotte où il organisait un tournoi de Street-foot. Mais on sent qu’le mec est heureux d’être là et n’aurait loupé ça pour rien au monde. Il enchaine déjà les anecdotes, les petites histoires sur la ville, fouilla, on est pas prêt d’se manger les pouces !
14h, affamés comme des chasseurs de galinettes cendrées, il est l’heure pour nous de remettre du charbon dans la machine. Tous dans la tire à Paga en direction du Glasgow. On y croise Bernard Lions et d’autres journaleux venus eux aussi jouer d’la mâchoire dans ce lieu mythique de Saint-Etienne. A la tabloche, le Guillaume veut impressionner son invité. Il demande du Trevallon 2003. Sauf qu’ce connard y connait que dalle au pinard. Faut savoir que lui, il mélange son rouge avec du coca. On est obligé d’lui montrer le prix, 100 boules, pour qu’il décide de commander autre chose. Avec le budget de chacun, on se met d’accord et le choix s’arrête sur l’eau des chiottes. Le Paga y bouffe, et comme dit ma grand-mère à propos d’un amant de guerre, « il en laisse pas une miette le salaud ». Au milieu d’son filet de bœuf aux morilles, il décide enfin d’nous parler un peu sérieusement. De sa carrière et d’ses plus beaux souvenirs. Le gamin d’Aubenas, il était pas encore à Sainté en 76. Il avait 13 ans et comme tout gosse à c’t’âge là, il a vécu l’épopée des verts devant sa téloche. Il rejoint le club un an plus tard où il côtoie alors toutes ses idoles:
« J’avais l’impression de rentrer dans la légende. Un an avant j’étais devant ma télévision, dans la cour de récréation je refaisais le coup franc de Larqué, le but de Rocheteau contre Kiev… et quand je suis rentré la dedans, je suis rentré dans l’histoire ».
15h30, le tiroir bien rempli, nous décidons de partir. Au moment de payer, Maxence a disparu. Nous rejoignons le stadio où un match de gala faisant revivre la finale de 76 a lieu. Sur le trajet, notre petit trublion du jour continu de nous amuser, ils enchaînent les conneries. Il en faut pas plus à Maxence pour le lancer sur la mythique Jeanine :
« Ah Jeanine, elles nous a tous dépucelés. Sans avoir baisé Jeanine, tu pouvais pas jouer en D1, tu pouvais pas signer un contrat pro ».
Sur ces franches rigolades, nous arrivons déjà à Geoffroy où il nous suffit de montrer la ganache de Paga pour avoir accès au parking VIP. Du beau monde est au rendez-vous, on croise le président Roro et le coach Galette, mais aussi tous les anciens verts de 76, Larqué, le plus sérieux, Rocheteau, le plus discret, Santini, le plus drôle, ou encore Alain Merchadier, le bon vivant. On est là depuis exactement six minutes que chaque JOZ en est déjà à sa huitième bières. Paga porte une perruque, Maxence (qui a peut-être bu plus que les autres) essaye de lancer un match de basketball tandis que Ben suit nos directives de ne photographier qu’les mecs n’ayant plus un poil sur le caillou (le pauvre y connait rien au foot). Mathou et moi on se fout en tribune. On est habillé comme de vrais sportifs. La clope et les dix sept canettes de bières à nos pieds sont peut-être en trop.
17h, on reprend la bagnole, direction la Place Jean Jo. Paga décide de monter dans l’coffre. C’est lui qui insiste. Maxence décide d’être bourré. C’est lui qui insiste. Mathou décide de conduire. C’est les autres qui insistent. Là-bas on croise du Noah, du Drucker, du journaleux et des p’tits fours. Avec Mathou, on arrive devant le serveur. « On ne sert pas encore d’alcool ». Soixante seize clins d’œil plus tard : « Bon, ok, vous voulez quoi ? ». Doorsfall, un groupe pop rock bien d’chez nous, ouvre les festivités à 18h. Une heure de concert pendant laquelle la place se remplit petit à petit pendant qu’nous, ne décollons pas les pieds de La Buvette. La ferveur monte quand Hervé Mathoux, maître de cérémonie, remercie le peuple Vert pour sa présence et son soutien, à l’image d’un jour de match. C’est avec Paganelli qu’il accueille l’équipe pro’ vêtue des nouvelles tenues d’la saison prochaine, assez similaires à celles de maint’nant, mais toujours autant appréciables par leur simplicité et leur élégance.
On arrive à entrer de partout, même si on n’avait pas trop l’droit au départ. On arrive, grâce à Paga, à faire rentrer tous nos potes, même si ils n’avaient pas du tout l’droit au départ. On prend des photos sur lesquelles on voit d’moins en moins nos yeux. Des gens se foutent autour de Drucker et le prennent en photo. Mathou prend en photo les gens qui se foutent autour de Drucker. S’ensuit sur scène, un défilé de personnalités qui ont marqué la vie du club et d’la ville, dont Michou bien sur, qui accueille les Verts de 76 sur scène. Des amis d’longue date qu’il avait vu jouer ce 12 mai 1976 et qu’il avait alors interviewés après la finale de Glasgow. Un moment empli d’émotions, tout comme lorsque Monty rejoint la scène et que retenti sa célèbre chanson.
20h30, Yannick Noah clôture cette première partie de soirée avant de laisser place aux DJ français The Avener et Feder, histoire de tricoter des gambettes et de tortiller du cul avec la nuit tombant sur la ville de Sainté. La fête se poursuit au Club in Box. Quand on arrive là-bas, c’est déjà bien le boxon. On dit bonjour aux gens qu’on connait. Comme on va jamais au Club, cela ne dure qu’une bonne heure et demi. Ensuite, on danse. On crie. On fait le poirier mais à l’envers. Hein ? Ouais, on est debout sur nos jambes quoi… On danse torse poil avec Noah sur Saga Africa… et puis plus rien. Au réveil, j’sais plus où j’habite. J’sais plus comment j’suis rentré. J’ouvre mon porte-feuille, il est rempli de ticket de CB. Je me souviens que la soirée était open-bar. Je préfère en rire. Je ne trouve plus l’écharpe de 76 de mon père. Je retourne mon plumard, toujours rien. Je préfère crier… Heureusement, dans mon morlingue, y’a aussi une carte, y’a aussi le numéro d’une belle blonde. Ça ye je commence à me souvenir d’ma soirée !
Photos: Ben Roche et Thomas Smith