Avant, quand je partais d’chez moi, l’un de mes derniers gestes était d’ouvrir mon placard foot pour y attraper une écharpe. Quand je parle de placard foot, je parle bien évidemment d’la seule pièce où ma femme a bien voulu me laisser étaler ma passion: le garage. Bref, j’aimais bien changé d’écharpes selon les saisons, mes humeurs du moment, la rencontre du jour ou celle du week-end à venir. J’alternais entres les satins, les jacquards, les tissées et les brodées, entre les historiques de mon groupe et de mon club. Elles ont beau être de simples morceaux de tissus en acrylique pour certains, elles ont pour moi une grande valeur auxquelles je tiens comme à la fertilité de mes couilles. Elles constituent un petit morceau d’histoire, d’une époque, d’anecdotes qui, assemblées les unes aux autres, ont alimenté et forgé ma passion du football au fil des années.
Et puis un jour, tout a basculé. J’ai croisé un type chelou dans les rues de paname. Un adulte sapé comme un gosse des années 90 partant au gymnase pour son cours d’EPS. Fila aux pieds, chaussettes blanches, survêt boutons-pression (putain je savais pas qu’on pouvait encore porter cette merde), coach jacket à la Arsène Wenger et écharpe de foot autour du cou. C’est quoi ce bordel ? Sûrement un grand fan de foot, un peu Adapei sur les bords, que j’me suis dis de prime abord. Puis, l’histoire s’est répétée une fois, deux fois, trois fois… Jusqu’à ce que je comprenne, après quelques recherches sur l’internet, que c’était à la mode.
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Oui, oui, après les racailles aux cheveux longs, on a l’droit à la mode des écharpes de foot. Putain de créateurs, vous pouviez pas nous laisser le monopole de la beaufitude ? V’la qu’le seul domaine où on excelle devient à présent prisé par ces bouffons des fashions week. Le pire c’est que la plupart d’entre eux n’aiment pas le foot et sont les premiers à se plaindre d’en voir beaucoup trop à la téloche.
Au fur et à mesure j’ai donc commencé à arrêter de porter mes écharpes de club et la dernière fois que ça m’est arrivé, je me suis dis plus jamais. J’étais tranquillement adossé aux portes du tromé, petite écharpe en jacquard du mardi autour du cou, et voilà qu’un mec s’approche de moi en me demandant où j’avais pécho mon écharpe. « Putain elle est trop chanmé ta scarf de foot. C’est quel créateur ? ». « Vaniquertamèresurlacanebière. Un petit créateur marseillais qui monte en puissance ! ». Putain l’bâtard, me faire indirectement traiter de hipster par un hipster était pour moi la mousse de trop, celle qui te fait déraper, qui fait que tu te réveilles le lendemain sans aucun souvenir de ta fin de soirée si ce n’est celui, vu l’état de ton plumard, de t’être battu avec un kebab sauce ketchup algérienne.
Bref, voilà 10 ans que mes collègues me traite de beauf parce que je porte une écharpe de foot au taf et voilà que les plus modeux d’entre eux s’y sont mis aussi. Bordel, il serait donc devenu tendance d’être beauf. Qui sait, peut-être que dans deux ans, ce sera branché d’se pointer en réu habillé en survet du PSG. Alala, l’enfer ! Vivement que cette putain de tendance s’arrête parce que ça va bientôt faire quatre mois que j’ai la crève.