Prenez le derby de l’Atlantique, ajoutez-y plus de 40 000 personnes, un peu de chaleur et beaucoup de soleil, un anniversaire et quelques litrons de bière, et vous obtiendrez sans nul doute l’un des plus beaux décors que tout supporter de football puisse rêver. Quasiment un an après ma toute dernière grosse bourlingue mexicaine, ce 140ème anniversaire des Girondins de Bordeaux était pour moi l’occasion rêvée de réaliser enfin un reportage sur les Bordelais et de partir à la conquête du stade René Gallice. Une sublime aventure au pays du scapulaire, dans un stade moderne en plein cœur de sa tribune populaire.
« Dans un maelström d’images et de souvenirs vieux de 15 ans, je pars en direction du Parc Lescure,
où je retrouve un grand amoureux des Girondins »
Il est un peu plus de 7h du matin quand j’arrive à la gare Saint Jean. J’ai dormi 4h, j’ai l’œil gauche qui dit « qu’est-ce qu’on fout là » à l’œil droit, qui lui répond « j’en sais foutre rien mais j’espère que ça vaut le coup ». Alors shooté par l’euphorie de cette nouvelle ville à gravir, je m’efforce de leur montrer ce que Bordeaux a de bien beau à offrir. Je déambule dans le quartier Saint-Michel, visite le marché populaire des Capucins, à la quête d’un machin à becqueter. Je trouve mon bonheur dans une boulangerie, où, plein de concentration je m’applique à ne pas dire pain au chocolat au marchand de chocolatine.
Quelques minutes plus tard, dans un maelström d’images et de souvenirs vieux de 15 ans, je pars en direction du Parc Lescure où je retrouve un grand amoureux des Girondins. Sébastien a accepté de me faire visiter les abords de ce stade qu’il connait comme sa poche. Il faut dire que le gazier est le président de l’association Préservons Lescure, une asso qui œuvre pour la protection sportive et la préservation architecturale du stade Chaban-Delmas. Armé de son classeur qui retrace l’histoire du stade Lescure, renommé Chaban-Delmas en 2001, Sébastien me présente cette enceinte au style moderniste dont les particularités architecturales et les éléments art déco ont forgé son histoire. De la grande arche, à la flèche « inspirée du bouchon de radiateur de la voiture de Raoul Jourde », le premier architecte du stade, en passant par les fameuses tribunes sans piliers ou encore les vases monumentaux du céramiste René Buthaud, je redécouvre toutes les facettes de ce stade. De ce symbole du patrimoine bordelais qui a su conserver son élégance et son originalité d’origine, à l’image de cette entrée improbable au beau milieu d’une habitation. Abandonné en 2015 par les Girondins, il accueille depuis, l’équipe de rugby de l’Union Bordeaux Bègles.
La suite de la journée est consacrée à la visite touristique de Bordeaux. Je déambule le long de ses quartiers, les doigts constamment sucrés de bons cannelés, et découvre que la Belle endormie des années 90 s’est dopée au Gurosan. La ville grise, polluée, embouteillée et noire, a retrouvé son sourire et son dynamisme, portée en flambeau par son miroir d’eau. Autre lieu célèbre de cette métamorphose, Darwin, dans le quartier de la Bastide. Une ancienne caserne désaffectée transformée en haut-lieu de skateurs, écolos et bobos. Une bonne pinte plus tard, me voilà prêt à foutre un énorme coup de tête à mon oreiller, dans le dortoir d’une auberge de jeunesse dont les colocataires d’un soir semblent être partis s’ambiancer dans une grosse soirée à la Cité du vin.
« Dans ce petit coin de paradis pris d’assaut par les buvettes et les barbecues entre amis,
on déguste cette potion magique qui a le goût de Lescure et du football populaire. »
Le lendemain matin, la tronche moins fatiguée et le parallélisme de mes yeux enfin retrouvé, je quitte cette piaule pleine d’effluve houblonnée, pour partir à la conquête du football. Je commence à marcher de Bacalan en direction du stade, tout en oubliant, pignouf que je suis, la solution du tram. Pris au piège par ma connerie, au bon souvenir de mon aventure ardennaise, j’aperçois le stade après une bonne heure de marche et quelques filles de joie croisées en chemin. Mais tout va bien, il me reste trois bonnes heures pour découvrir l’ambiance extérieure du stade René Gallice et retrouver quelques contacts qui me feront vivre la plus belle partie de ces aventures-foot: l’avant-match. De prime abord et de l’extérieur, ce stade ne pisse pas la sueur du football mais je dois avouer qu’il est déjà bien plus séduisant qu’en google images. Sa forêt de pilotis et son élégante sobriété, font qu’il s’insère parfaitement dans l’environnement vert présent tout autour.
Après cet entremet architecturale, je prends enfin la direction du vrai football. À quelques encablures de là, le long d’une rue jouxtant le lac de Bordeaux, je découvre alors ce petit village où d’irréductibles bordelais résistent encore et toujours à l’envahisseur: le football moderne. Ici, dans ce petit coin de paradis pris d’assaut par les buvettes et les barbecues entre amis, on déguste cette potion magique qui a le goût de Lescure et du football populaire. On porte haut et fort les couleurs des Girondins aux sons des groupes électrogènes et des bières qui s’entrechoquent. Dans cette chaleur humaine et solaire, je retrouve Charles, un de ces nombreux nostalgiques qui a bien du mal à tourner la page de Lescure. Il semble pourtant trouver ici son dernier refuge. Un dernier refuge dont je ne peux m’empêcher de penser qu’il est l’un des meilleurs spots buvette de France. Un spot avec buvette à débordement sur un lac, un spot où l’on profite de chaque instant, avant de prendre, rôteuse à la main, la direction de ce stade immaculé qui rêve d’écrire un jour, les premiers chapitres de son histoire.
« J’ai l’impression d’entrer dans l’expo d’un musée d’art moderne,
à l’exception près, qu’ici tout est beau. »
N’étant clairement pas habitué des stades modernes, je dois avouer qu’en pénétrant dans l’enceinte je prends une sacrée claque. J’ai l’impression d’entrer dans l’expo d’un musée d’art moderne, à l’exception près, qu’ici tout est beau. Ou plutôt, qu’ici tout est trop beau et trop parfait. Avec ses coursives faisant tout le tour du stade, cette enceinte offre une vue exceptionnelle sur la pelouse. Un régal pour le touriste du jour que je suis. Ce pourtour des temps modernes me permet d’examiner ce stade sous toutes ses coutures et de photographier ses tribunes sous tous les angles. À l’entrée des joueurs, les rayons de soleil font resplendir le tifo spectaculaire des Ultramarines. Une bâche représentant les différents maillots de la grand histoire des Girondins est dressée en supérieur tandis qu’un puzzle sous forme de cartons fait apparaître le blason des années 80, symbole des glorieuses années Claude Bez. Les extrémités sont complétées par le sigle légendaire du club au scapulaire.
Comme souvent dans mes bourlingues footballistiques, je passe la première partie du match les yeux rivés en dehors de la pelouse. Si bien qu’à la mi-temps, je n’ai quasiment pas vu une seule action du match. Mais j’ai vu ce que le football a de plus beau à offrir. Ces supporters dont beaucoup reviennent pour la première fois depuis bien longtemps au stade, et qui, pour célébrer cet anniversaire, se sont endimanchés de leur plus beau costume. Des beaux maillots floqués Giresse, Zidane, Laslandes, Wiltord, Micoud ou encore JPP, témoins de l’histoire mythique des Girondins et mémoires vivantes de Lescure. La deuxième mi-temps, je la vis au plus près de l’action et au plus près du spectacle. Au cœur de cette tribune populaire animée par les Ultramarines. Du haut de leurs nacelles, les capos bordelais donnent de la voix. Tels des commandants, hissent le cap de leur navire et tentent par tous les moyens de conduire leur équipage à bon port. Sur le but Bordelais, c’est l’explosion de joie. Quelques torches sont allumées et tout le virage chante enfin à l’unisson. Malheureusement le but nantais fait vite redescendre cette belle folie post-filet-qui-tremble et c’est au tour des Nantais d’avoir leur quart d’heure de macarena. À la fin du bal, un autre débute. Celui des « Légendes », dégarnies et grisonnantes. Une belle guinguette oppose les champions de France 1999 à ceux de 2009. Alors que Giresse et son orchestre, le temps d’un tour de terrain, rejouent leur gros tube des années 80.
Cette belle journée à la découverte des Girondins m’aura beaucoup surpris. Ok, tous les éléments étaient ce jour-là réunis: le soleil, la chaleur, l’anniversaire, la réception de Nantes et la belle politique tarifaire (places à 9€ dans tout le stade). Mais cette journée montre que ce stade René Gallice à un gros potentiel. Et qu’il est possible, même en étant 16ème au classement, de faire venir plus de 40 000 personnes dans un stade à l’autre bout du centre ville. Certes, René Gallice n’est pas prêt de détrôner Lescure mais cet écrin a les épaules, le coffre et la bidoche d’écrire l’histoire prochaine des Girondins.
Photos et texte de Gustave.
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