C’est avec nostalgie que je repense à mon voyage londonien, mon premier voyage footballistique hors France. Mais aussi le dernier voyage avant bien longtemps en raison du contexte épidémique que l’on connait et expérimente tous en ce moment. Depuis le 29 février dernier, date du match, de l’eau a coulé sous les ponts. Pourquoi ce grand laps de temps avant l’écriture ? Simplement car mes pellicules n’étaient encore pas toutes développées. Et vu que les épreuves photographiques aident à se remémorer des instants passés, autant les avoir au complet.
Ce plongeon dans mes souvenirs commence par le trajet de l’aller, un trajet entré dans les habitudes pour beaucoup de londoniens, fans de QPR comme d’une autre équipe. Le traditionnel métro nous déposa à la station de White City, à quelques pâtés de maison de Loftus Road aujourd’hui renommé Kiyan Prince Foundation Stadium en l’honneur de la jeune pépite décédée tragiquement en 2006 d’un coup de couteau à l’âge de quinze ans.
Le vent londonien gelait les doigts des supporters venus très tôt. Plusieurs d’entre eux étaient emmitouflés dans des écharpes. Parmi celles-ci, peu étaient aux couleurs des Rangers. Les rues aux alentours de l’enceinte voyaient fleurir crieurs de rue alertant sur la situation de tel club, vendeurs de programmes, d’écharpes, de pin’s. La police montée, veillant au grain, créait en moi des fantasmes d’hooliganisme ou, du moins, des images souvent tirées de films sur cette faste période de violence organisée.
Après avoir fait le tour du stade, l’entrée inscrite sur mon billet me faisait face. Parallèlement à celle-ci se trouvait la tribune et donc l’entrée réservée aux visiteurs. Chose habituelle en Angleterre mais totalement hors-norme de notre point de vue français, les fans des deux équipes se croisaient librement devant cette coursive mais aussi autour du stade et ce sans aucune animosité. Le froid aidant, je délaissais cette camaraderie que j’imputais à l’amour typiquement anglais du football ainsi qu’aux douloureux souvenirs sociétaux évoqués plus haut.
Le rituel de la validation du billet dans ces minuscules cabines passé, le véritable Loftus Road apparaissait. Le stade, que certains qualifieront de vétuste, libérait ses odeurs de bières, de burgers, de chips, de gazon, de tôle. Le rituel alcoolisé de l’avant-match se passa en compagnie d’un hamburger maison et d’une Carlsberg. Outre cette bière verte, une petite brasserie proposait une IPA dont le nom s’est envolé de mes souvenirs. Tant pis.
Tous les âges étaient représentés. Du plus jeune bambin, à l’étudiant londonien en quête d’une occupation, au fan inconditionnel grimé de partout pour finir aux personnes âgées attendrissantes et pas avares en anecdotes, tous se réunissaient dans une tribune au style typiquement anglais. Là où certains se plaignent des vues restreintes, le poteau placé un peu plus loin et cachant une partie du but allait devenir un compagnon de groundhopping me plongeant un peu plus dans l’expérience du stade et du match. Les traditionnelles bâches garnissaient la tribune away pendant que des éclats de voix se faisaient entendre du côté de cette dernière.
Le match commença dans un calme relatif. Quelques voix trahissaient un agacement passager, un tacle un peu trop rugueux, un hors-jeu pas forcément évident. Les visiteurs donnaient maintenant de la voix, l’espace sonore se remplissait d’insultes dédiées aux locaux auxquelles répondaient tant bien que mal les quelques fans de QPR avec une volonté assez peu vaillante. Mais c’est ça l’Angleterre, les awaydays sont une institution, bien plus que les matchs à domicile. Entre deux « is this a library ? » birminghamiens, l’équipe du centre anglais marquait. Ces derniers exultaient en lançant sur la pelouse un fumigène bleu.
Les genoux empalés sur les sièges du rang de devant, les buts londoniens étaient alors l’occasion de les déverrouiller pour quelques secondes et d’en profiter pour observer les moments fugaces de liesse. Le petit contingent de supporters londoniens rendait alors la pareille aux birminghamiens. Les « who are ya » s’éclipsaient rapidement, le chant n’étant repris que par les quelques guerriers levés. Pourtant, quelques badauds lançaient des petits signes à l’encontre des visiteurs, signes qui chez les personnages âgés trahissaient un véritable amour du club.
Le match s’emballa pour finir en 2-2. Tout d’abord réchauffé par un soleil hivernal puis congelé par le vent froid, l’après-match se passa dans un bar-galerie tout proche de la station de métro. Ce coup « pour se réchauffer » fut l’occasion de rencontrer un fan du BCFC descendu de son nord pour assister à ce match. La discussion fut riche en souvenirs, en anecdotes mais aussi en houblon. Pin’s sur le cœur, il félicita ces aventuriers, « comme toi et moi », qui partent vivre le foot en terres inconnues. Et ce sont ces rencontres qui, outre ce qu’il se passe sur le rectangle vert, font vivre le monde du groundhopping et plus généralement du football. Ce sont ces personnes, encyclopédies vivantes, qui apportent au football toute sa saveur. Car sans fans, le football n’est qu’un jeu où onze millionnaires courent après une baballe…
Photos argentique et texte de Robert.
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